Maroc : détérioration des conditions de détention de trois défenseurs des droits de l’homme condamnés à de longues peines de prison (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement du Maroc le 24 mai 2023. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Le Gouvernement a répondu le 24 juillet 2023, fournissant des informations complémentaires sur les conditions de détention des trois défenseurs des droits humains et réfutant les allégations exprimées dans la communication.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète Lire la réponse du Gouvernement

CONTEXTE

Sujet : détérioration des conditions de détention de trois défenseurs des droits de l’homme condamnés à de longues peines de prison, MM Al-Hussein Al-Bashir Ibrahim, Khatri Dadda, Naâma Asfari.

M. Al-Hussein Al-Bashir Ibrahim est un étudiant en droit à l’Université d’Agadir depuis 2011, où il a contribué à la création d’un mouvement étudiants sahraouis à Agadir. Dans ce cadre il a défendu les droits des étudiants et le droit à l’auto-détermination pour le peuple du Sahara occidental. M. Al-Bashir Ibrahim a participé à de nombreuses manifestations relatives au droit à l’autodétermination du Sahara occidental.

M. Khatri Dadda est un défenseur des droits de l’homme et photographe, connu pour son signalement de violations des droits des défenseurs des droit de l’homme, notamment lors de manifestations.

M. Naâma Asfari est un défenseur des droits de l’homme et activiste pacifique pour le droit à l’autodétermination du Sahara occidental.

ALLÉGATIONS

Concernant le cas de M. Al-Bashir Ibrahim

Le 26 novembre 2019, M. Al-Hussein Al-Bashir Ibrahim a été condamné à 12 ans de prison par le tribunal de première instance de Marrakech, pour avoir « organisé, arrangé et incité à des violences conduisant à la mort [d’une personne] sans intention de la donner », suite à son rôle allégué dans des affrontements entre étudiants sahraouis et étudiants marocains à Marrakech le 23 janvier 2016 à l’Université Cadi Ayyad, qui ont entrainé la mort d’un étudiant.

Le 23 mars 2023, M. Al-Bashir Ibrahim a été transféré contre son gré de la prison d’Ait Melloul, où il purgeait sa peine – et qui se trouvait à environ 300 km de sa famille – à la prison de Moulay El-Bergui à Safi, située à 600 km de sa maison familiale près de la ville de Tan-Tan dans le sud-ouest du Maroc.

M. Al-Bashir Ibrahim aurait entamé fin février 2023 une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. Il n’aurait toutefois reçu aucun soin médical à cette occasion. Il aurait également demandé à être transféré dans une prison plus proche de sa famille, à avoir la possibilité de poursuivre ses études, à utiliser la bibliothèque et à être détenu dans une cellule plus propre et moins surpeuplée.

Le 24 mars 2023, les proches de M. Al-Bashir Ibrahim lui ont rendu visite dans son nouveau lieu de détention et ont constaté qu’il avait perdu du poids, semblait émacié et pouvait à peine parler. Il avait des problèmes digestifs, des maux de dos et était devenu si faible qu’il pouvait à peine marcher. Selon nos informations, ses conditions seraient encore plus sévères que dans la prison ou il était incarcéré précédemment. Après que ses proches l’aient exhorté à mettre un terme à sa grève de la faim, il aurait accepté. Cependant, M. Al-Bashir Ibrahim aurait indiqué qu’il reprendrait sa grève de la faim dès qu’il se sentirait en meilleures santé, si ses conditions de détention ne s’amélioraient pas et si ses demandes, citées ci-dessus, n’étaient pas satisfaites.

Concernant le cas de M. Khatri Dadda

M. Dadda est en prison depuis décembre 2019. Il a été jugé coupable le 4 mars 2020 de participation à des événements violents dans la ville de Smara en novembre 2017, et condamné à 20 ans de prison. Il est resté à la prison civile de Laâyoune jusqu’au 3 juin 2020, date à laquelle il aurait été transféré à la prison d’Ait Melloul, dans une zone de sécurité maximale, sans que sa famille n’en soit informée.

Le 12 aout 2022, Khatri Dadda aurait été transféré de la prison d’Ait Melloul, située à 542 km de son domicile à Smara à la prison de Moulay El-Bergui à Safi, à 850 km de son domicile. Il a droit à des visites mais pour ses parents il est difficile de se déplacer jusqu’à la prison qui se trouve loin de chez eux. A cause du fait de cette distance, ses proches n’ont pu lui rendre visite qu’une fois, en mars 2023. M. Dadda ne serait autorisé à utiliser le téléphone qu’une fois tous les 22 jours pour une durée de deux minutes, et il nous a été rapporté que l’appel est interrompu dès qu’il parle de sa situation en prison.

Selon nos informations, M. Dadda n’a pas été autorisé à recevoir la nourriture envoyée par ses proches et son état de santé serait préoccupant. Les médecins externes n’ont pas été autorisés à l’examiner, et les infirmiers et médecins affectés à la prison ne lui auraient pas prodigué des soins de qualité nécessaires à sa situation.

Concernant le cas de M. Naâma Asfari

M. Asfari est en prison depuis le 7 novembre 2010. Il a été jugé coupable le 16 février 2013, et condamné à 30 ans de prison pour constitution d’une bande criminelle et participation à la violence entrainant la mort avec préméditation d’éléments des forces publiques dans l’exercice de leurs fonctions.

Actuellement, M. Asfari purge sa peine à la prison de Kénitra, qui se situe à environ 2000 km du lieu où vit sa famille.

Ses droits de visite auraient été restreints à plusieurs reprises depuis 2016, notamment lorsque son épouse a tenté de lui rendre visite en 2019 et a été expulsée du pays sans être autorisée à lui rendre visite. Son seul contact avec son épouse, qui réside à l’étranger, se fait par téléphone deux fois par semaine, de cinq minutes et en présence d’un gardien francophone, à défaut de quoi l’appel est interrompu.

Selon nos informations, M. Asfari n’aurait pas d’accès à des soins médicaux adéquats, en particulier il n’aurait pas eu accès à un ophtalmologue depuis 12 ans bien qu’il souffre de problèmes oculaires. Il n’aurait pas non plus été autorisé à utiliser la bibliothèque, ne pourrait effectuer des promenades que dans une petite cour sans soleil, et n’aurait pas non plus reçu de nombreux courriers envoyés par sa femme.

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons notre préoccupation quant aux allégations de conditions de détention sévères de M. Al-Bashir Ibrahim et M. Dadda. Nous notons en particulier leur transfert dans une prison plus éloignée de leur domicile familial, ce qui réduit fortement la possibilité de visites familiales, en particulier par des parents âgés. Nous sommes également préoccupés par l’interdiction des visites imposée à l’épouse de M. Asfari, ainsi qu’au manque de soins allégué en détention.

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