Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement du Burundi le 17 avril 2024. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas répondu dans ce délai. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies.
A ce jour, Floriane Irangabiye est toujours détenue à la prison de Bubanza.
Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.
CONTEXTE
Sujet : allégations relatives à la condamnation de Floriane Irangabiye à dix ans de prison en cassation et à la poursuite de sa détention présumée arbitraire.
Mme Floriane Irangabiye est une journaliste et défenseuse des droits humains burundaise. Résidente au Rwanda, elle travaillait avant sa détention en tant que chroniqueuse et animatrice sur Radio Igicaniro, un média burundais en ligne basé au Rwanda qui traite et débat sur la politique, la culture et les droits humains au Burundi.
ALLÉGATIONS
Le 30 août 2022, Mme Floriane Irangabiye a été arrêtée à Matana, dans le Sud du Burundi, par des agents du Service national du renseignement (SNR), alors qu’elle se rendait dans le pays pour la première fois en sept ans pour assister à des funérailles. Immédiatement transférée au siège du SNR à Bujumbura, elle y aurait subi durant une semaine des interrogatoires sans la présence d’un avocat.
Le 8 septembre 2022, Mme Irangabiye a été placée sous mandat de dépôt et transférée à la prison de Mpimba à Bujumbura.
Le 22 septembre 2022, Mme Irangabiye a été transférée à la prison de Muyinga, à 200 kilomètres de Bujumbura où réside sa famille, sans qu’aucun motif ne soit communiqué pour justifier cette décision.
Le 17 novembre 2022, Mme Irangabiye a été officiellement inculpée par le Tribunal de Grande Instance de Mukaza pour « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Il lui serait notamment reproché d’avoir animé, en août 2022 sur Radio Igicaniro, une discussion avec deux membres de la société civile burundaise critiques des autorités. Au cours de ce débat, elle aurait critiqué le gouvernement burundais et encouragé les citoyens Burundais à s’opposer aux autorités, sans toutefois explicitement prôner la violence.
Le 2 janvier 2023, le Tribunal de Grande Instance de Mukaza a déclaré Mme Irangabiye coupable d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » en vertu de l’article 611 du Code pénal burundais lors d’un procès tenu à huis clos, et a prononcé sa condamnation à dix ans de prison, assortis d’une amende d’un million de francs burundais (environ 320 Euros).
Le 2 mai 2023, la condamnation de Mme Irangabiye a été confirmée par la Cour d’appel de Mukaza. Le 13 juin 2023, les avocats de Mme Irangabiye se sont pourvus en cassation contre cette décision.
Depuis son arrestation, la santé de Mme Irangabiye s’est dégradée en détention, où la défenseuse a subi de multiples crises d’asthme de plus en plus sévères. En mai 2023, ses avocats ont demandé à ce que Mme Irangabiye soit transférée dans une prison de la capitale burundaise afin qu’elle puisse y bénéficier d’un suivi médical adéquat et se rapprocher de sa famille.
Le 29 octobre 2023, cinq mois après la demande de ses avocats, Mme Irangabiye a été transférée à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura, puis le lendemain à la prison de Bubanza, à 40 km au nord-ouest de Bujumbura.
Le 11 janvier 2024, Mme Irangabiye a comparu en audience publique devant la chambre d’appel de la Cour Suprême de Bujumbura. Ses avocats ont notamment fait valoir des irrégularités et violations de la procédure légale qui auraient été observées depuis l’arrestation de la défenseuse.
Le 13 février 2024, la Chambre de Cassation de la Cour Suprême du Burundi a confirmé le verdict rendu par la Cour d’appel de Bujumbura le 2 mai 2023, maintenant la peine de dix ans d’emprisonnement contre Mme Irangabiye ainsi que l’amende d’un million de francs burundais.
Au moment de la rédaction de cette communication, Mme Irangabiye est toujours détenue à la prison de Bubanza.
PRÉOCCUPATIONS
Dans cette communication, nous exprimons nos vives inquiétudes quant aux allégations ci-dessus qui semblent indiquer que Mme Floriane Irangabiye a été condamnée et détenue en raison de ses activités de défenseuse des droits humains et de journaliste, et à l’exercice de son droit à la liberté d’expression.
Nous sommes en outre vivement préoccupés par les conditions de son arrestation telles qu’elles nous ont été rapportées. Mme Irangabiye n’aurait pas bénéficié d’une assistance juridique lors de son interpellation ni lorsqu’elle a été interrogée par le Service national du renseignement.
Nous sommes également préoccupés par les allégations concernant ses conditions de détention et l’impact négatif de ces conditions sur l’état de santé de Mme Irangabiye.