Tunisie : harcèlement administratif et judiciaire, arrestation et détention de DDH engagés dans la protection des droits des migrants et la lutte contre les discriminations (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au Gouvernement de la Tunisie le 28 mai 2025. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Le Gouvernement a fait parvenir une réponse le 30 juillet 2025, qui est actuellement en cours de traduction.

Depuis l’envoi de la communication, l’examen de l’affaire de Mme Sherifa Riah par la Cour de cassation a été reporté à septembre 2025. La Cour de cassation examinera la décision rendue par la chambre d’accusation.

En ce qui concerne Mme Saadia Mosbah et son organisation, le 4 juillet 2025, le juge d’instruction du Tribunal de première instance de Tunis a clôturé l’enquête en classant sans suite toutes les charges retenues contre les neuf employés de Mnemty. Ils étaient poursuivis pour « constitution d’une alliance en vue de commettre un enrichissement illicite et du blanchiment d’argent, enrichissement personnel excessif et gestion déloyale ». Le tribunal a également abandonné les accusations de blanchiment d’argent contre Mme Mosbah, mais a confirmé les charges d’enrichissement illicite, d’enrichissement personnel excessif et de mauvaise gestion à son encontre. Mme Mosbah a interjeté appel contre cette décision. Une audience a été rapidement programmée devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Tunis, sans aucune notification préalable à ses avocats. Le 15 juillet, ses avocats ont découvert que la Chambre d’accusation avait annulé le classement des charges contre Mme Saadia Mosbah et les employés de Mnemty, et qu’elle poursuivrait l’enquête à leur encontre, tout en plaçant Mme Mosbah en détention provisoire.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète Lire la réponse du Gouvernement

CONTEXTE

Sujet : le harcèlement administratif et judiciaire, l’arrestation et la détention des défenseurs des droits humains en Tunisie depuis 2024, en particulier ceux qui sont engagés dans la protection des droits des migrants et dans l’élimination de toutes formes de discrimination, notamment Mme Saadia Mosbah, Mme Saloua Ghrissa, M. Abdallah Said et Mme Sherifa Riahi Sahaly.

Mme Saadia Mosbah, est défenseuse des droits humains et la fondatrice et présidente de l’organisation « M’nemty ». Elle lutte contre la discrimination raciale dans le pays depuis 2013 et son activisme a contribué à l’adoption de la loi n°2018-50 du 23 octobre 2018 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en Tunisie.

Mme Saloua Ghrissa est la directrice exécutive et l’ancienne présidente de l’Association tunisienne pour la promotion du Droit à la Différence (ADD), une initiative créée en 2011 active dans la défense du droit à la différence, le renforcement de la liberté d’expression et la défense des droits des minorités.

M. Abdallah Said est le fondateur et président de l’association « Enfants de la Lune », qui apportait un soutien social aux familles dont les enfants sont atteints de Xeroderma pigmentosum. Il a été activement engagé dans le travail humanitaire, la défense des droits humains et la protection des enfants handicapés et des migrants et réfugiés.

Mme Sherifa Riahi Sahaly est défenseuse des droits humains. Elle a été la directrice exécutive de l’association Tunisie Terre d’Asile, organisation active dans la protection des droits des personnes en situation de mobilité et dans la promotion d’un discours équilibré sur les migrants, depuis 2019 jusqu’à mars 2023.

La situation des défenseurs des droits des migrants en Tunisie a été abordée dans la communication AL TUN 5/2024 adressée au gouvernement tunisien le 14 août 2024. Nous remercions le gouvernement pour sa réponse le 7 janvier 2025. Nous tenons également à souligner la communication AL TUN 6/2024 dans laquelle nous avons exprimé notre inquiétude quant au traitement des migrants, envoyée au gouvernement tunisien le 1er octobre 2024, et la communication OL TUN 8/2022 de 23 janvier 2023, dans laquelle nous avons exprimé nos préoccupations concernant le décret-loi n°2022-54 relatif à la lutte contre les infractions relatives aux systèmes d’informations et de communication. Nous remercions le gouvernement pour sa réponse le 14 mars 2025.

ALLÉGATIONS

En 2024, la police et la garde nationale auraient procédé à une vague d’arrestations et commis des violences physiques contre des personnes migrantes, suivies de déportations forcées des migrants du sud du Sahara. Dans le même temps, les défenseurs des droits humains, les militants de la société civile, les avocats et les journalistes qui soutiennent les migrants et plaident en leur faveur auraient fait l’objet de diverses mesures restrictives.

Le 2 mai 2024, la police et la garde nationale auraient expulsé des centaines de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés de Tunis vers les frontières avec l’Algérie et la Libye. Le 6 mai 2024, dans un discours prononcé devant le Conseil national de sécurité, le Président de la République aurait remis en question le rôle des organisations de la société civile dans le soutien à l’immigration et le financement qu’elles recevaient, en soulignant que les responsables de ces associations sont des « traîtres » et des « mercenaires ». La déclaration a été publiée sur Facebook.

Depuis lors, un rétrécissement de l’espace civique a été observé. Selon les informations reçues, plusieurs organisations de la société civile ont été ciblées par les autorités et confrontées à une inspection approfondie des financements étrangers. Les autorités auraient demandé de nombreux documents, des informations sur les activités des organisations et des rapports financiers, signalant ainsi une pression accrue sur la société civile qui toucherait en particulier les organisations de défense des droits.

Actuellement, plusieurs membres des organisations de la société civile sont en détention préventive pour diverses accusations, y compris des accusations de blanchiment d’argent et d’aide aux migrants irréguliers du sud du Sahara.

Concernant Mme Saadia Mosbah :

Selon les informations reçues, au début de l’année 2024, Mme Mosbah a été la cible d’une campagne de diffamation sur les réseaux sociaux en raison de son origine ethnique en tant que Tunisienne noire, de son militantisme en faveur des droits humains axé sur la lutte contre la discrimination raciale, et de son travail de promotion de la solidarité avec les migrants en Tunisie. Selon les informations reçues, cette campagne de diffamation s’est déroulée dans un contexte d’environnement hostile et de discours de haine généralisé, notamment de la part de personnalités publiques, de politiciens, de journalistes et d’une partie de la population en général, à l’encontre des migrants du sud du Sahara, et s’est étendue aux ressortissants tunisiens d’origine africaine. Dans certains cas, cela a conduit à de graves abus de la part de la population locale. Les autorités n’auraient pris aucune mesure pour enquêter sur ces abus.

Le 6 mai 2024, des policiers de l’unité spécialisée dans les crimes financiers de la garde nationale, munis de mandats officiels, se seraient rendus au domicile de Mme Mosbah vers 19 heures pour y effectuer des perquisitions ; ils auraient saisi des documents, des téléphones et des ordinateurs. Dans la soirée du même jour, les policiers ont également effectué des perquisitions dans les bureaux de M’nemty à Tunis. Un autre bureau appartenant à M’nemty situé dans la ville de Gabès aurait été perquisitionné et son personnel convoqué et interrogé.

Selon les informations reçues, Mme Mosbah a ensuite été emmenée au poste de police et interrogée pendant 6 heures sur les aspects financiers de M’nemty et ses relations avec les donateurs. Après les interrogatoires, elle aurait été placée en garde à vue sur ordre du Procureur de la République et emmenée au centre de détention de Bouchouba.

Le 8 mai 2024, Mme Mosbah aurait été emmenée à l’unité spécialisée dans les crimes financiers de la police, où elle aurait été interrogée par des agents de la police des crimes financiers ainsi que par des agents des impôts et des douanes, en même temps que trois autres employés de M’nemty. Après les interrogatoires, les trois autres employés de M’nemty auraient été libérés tandis que Mme Mosbah serait retournée au centre de détention de Bouchouba.

Le 10 mai 2024, la garde à vue de Mme Mosbah aurait été prolongée de cinq jours, du 10 au 14 mai 2024. L’unité spécialisée dans la criminalité financière a interrogé douze employés de M’nemty. Tous ont ensuite été relâchés.

Selon les informations reçues, le 16 mai 2024, Mme Mosbah et les douze employés de M’nemty ont été cités à comparaître devant le Procureur de le République auprès du pole judiciaire économique et financier pour être interrogés. Cependant, le Procureur spécialisé s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire au Procureur de la République du tribunal de première instance de Tunis, qui a ensuite retenu les chefs d’accusation de « constitution d’une alliance en vue de commettre un enrichissement illicite et un blanchiment d’argent, d’enrichissement personnel excessif et de gestion déloyale » contre Mme Mosbah et neuf autres employés de l’organisation, sur la base de la loi n°2015-26 relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, de la loi n°2018-46 relative à la déclaration de patrimoine et d’intérêts et à la lutte contre l’enrichissement et le conflit d’intérêts et du Code des droits et procédures fiscaux.

Le même jour (16 mai 2024), le juge d’instruction aurait placé Mme Mosbah en détention préventive à la prison pour femmes de la Manouba, tandis que les neuf autres employés de M’nemty ont été maintenus en liberté dans l’attente de leur procès ; toutefois, certains d’entre eux ont été interdits de voyager. Les informations reçues indiquent que le juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis a nommé deux experts pour examiner les comptes bancaires de M’nemty et vérifier s’il y avait des anomalies. Il est rapporté que les employés de M’nemty auraient collaboré avec l’un des experts pour fournir tous les documents nécessaires demandés.

Il est indiqué que les procès de Mme Mosbah et de ses collègues doivent encore avoir lieu dans l’attente de la conclusion de l’investigation financière ordonnée par le juge. Le juge d’instruction chargé de l’affaire Mosbah aurait été remplacé par un juge suppléant temporaire qui gérait de nombreuses autres affaires. Cette situation aurait entraîné des retards dans les réponses. L’indisponibilité persistante du juge suppléant aurait retardé la signature des permis permettant aux avocats de Mme Mosbah de lui rendre visite. Il est indiqué que les permis de visite ont été délivrés pour une période de deux semaines et non d’un mois comme auparavant. Le Comité général des prisons et de la réhabilitation a considéré Mme Mosbah comme une « détenue classée ». Par conséquent, les visites de sa famille auraient lieu derrière une porte vitrée en plus d’autres mesures de restriction.

Selon les informations reçues, les conditions de détention de Mme Mosbah dans la prison pour femmes de la Manouba se seraient détériorées en juillet 2024, notamment en raison d’un accès inadéquat à la santé et aux soins – en particulier l’accès aux médicaments vitaux –, d’une mauvaise hygiène, de la surpopulation dans sa cellule et de restrictions injustifiées imposées par l’administration pénitentiaire sur la nourriture, les vêtements et les effets personnels tels que les agendas, qui lui ont été retirés à plusieurs reprises. Dans un cas précis, il est rapporté que Mme Mosbah n’a pas été immédiatement emmenée au centre de soins lorsqu’elle s’est blessée au bras.

Il est indiqué qu’en juillet 2024, les avocats de Mme Mosbah ont déposé une demande de mise en liberté. Selon les informations reçues, le juge d’instruction aurait implicitement rejeté la demande. Aucune autre demande de mise en liberté n’a été déposée.

Il est allégué que l’un des experts désignés par la Cour pour travailler sur l’expertise financière a eu une attitude intimidante à l’égard de certains employés de M’nemty, soulevant ainsi des inquiétudes quant à la neutralité et à l’indépendance de l’enquête.

Le 11 novembre 2024, le juge d’instruction a prolongé la détention provisoire de Mme Mosbah de quatre mois supplémentaires, comme « autorisé par la loi » et dans l’attente de la conclusion de l’enquête financière menée par les experts désignés par la Cour. Elle n’aurait pas eu la possibilité de se présenter devant le juge avant que cette décision ne soit prise.

Selon les informations reçues, vers la fin du mois de janvier 2025, un nouveau juge d’instruction aurait été désigné. En même temps, en prison, les conditions d’hygiène se seraient détériorées à cause d’un problème au niveau de l’évacuation des eaux usées.

Le 14 février, vers 16 heures, Mme Mosbah aurait été enjointe de préparer ses affaires pour être transférée dans une autre cellule. Ensuite, elle aurait été conduite dans un véhicule sans lui donner d’indications sur la destination. Vers 20 heures, elle est arrivée à la prison civile de Belli dans le gouvernorat de Nabeul, qui se trouve à 45 kilomètres de Tunis. Mme Mosbah a demandé à l’administration pénitentiaire d’informer son fils, mais cela n’a pas été fait. Le lundi, comme d’habitude, il s’est rendu à la prison de la Manouba pour lui rendre visite et là, il lui a été dit de se rendre à la prison de Belli. Mme Mosbah n’aurait pas été informée sur les motifs de ce transfert.

Dans la prison civile de Belli, les conditions de détention semblent être meilleures que celles à Manouba, notamment en ce qui concerne les conditions d’hygiène dans les cellules ainsi que le fait qu’il y ait moins de restrictions sur la nourriture et les vêtements. Cependant, elle n’aurait toujours pas un accès régulier à ses médicaments.

Le 12 mars 2025, le juge d’instruction a décidé de prolonger la détention préventive de Mme Mosbah pour une durée de quatre mois supplémentaires.

Concernant Mme Saloua Ghrissa :

Selon les informations reçues, Mme Saloua Ghrissa serait l’objet d’une investigation par une unité de police à Bizerte depuis le mois de septembre 2024. Depuis cette date, l’unité d’investigation et financière à El Gorjeni a commencé à convoquer les prestataires de services ayant collaboré avec l’ADD en leur demandant de fournir des documents en relation avec leur travail avec l’association.

Le 9 décembre 2024, Mme Ghrissa aurait reçu un appel urgent de la police lui demandant de se présenter devant l’unité de police d’El Gorjeni. Au cours de l’interrogatoire, il lui a été demandé de fournir une liste de documents relatifs au fonctionnement de l’association. Le lendemain, le 10 décembre 2024, Mme Ghrissa a présenté les documents demandés et a dû rester au poste de police jusqu’à environ 16 heures l’après-midi. Mme Ghrissa a également été interrogée sur les aspects financiers et opérationnels de l’association en lui demandant de produire des documents supplémentaires, notamment des rapports d’audit, des publications, des registres de collecte de fonds et des contrats de donateurs.

Durant les interrogatoires, les officiers de police sembleraient avoir indiqué à Mme Ghrissa que la principale préoccupation n’était pas la mauvaise gestion financière, mais plutôt ses activités et ses publications sur les réseaux sociaux concernant les questions de droits humains.

Le 10 décembre 2024, un autre représentant de l’association a également été interrogé, et des décisions de mise en garde à vue ont été lancées contre eux deux. Ils ont été placés en garde à vue au centre de détention Bouchoucha pendant deux jours, et ce en dépit de leur coopération et de la présentation de documents demandés. Selon les informations reçues, le centre de Bouchoucha aurait été en surpopulation avec un manque d’hygiène notable.

Le 12 décembre 2024, le juge d’instruction du tribunal de première instance de Bizerte a examiné le dossier de l’affaire, en présence de cinq avocats de la défense. Le juge a émis un mandat de dépôt pour blanchiment d’argent contre Mme Ghrissa tandis que l’autre représentant de l’ADD a été libéré.

Sur la base de ce mandat de dépôt, Mme Ghrissa a été placée dans la prison civile des femmes à Manouba. Au début, les conditions de détention étaient extrêmement difficiles à cause d’un taux d’occupation assez élevé des cellules, obligeant les détenues à se partager les lits (parfois trois personnes se trouvent obligées à partager un même lit). Mme Ghrissa a été assignée à une cellule équipée d’une quarantaine de lits mais qui héberge entre 75 et 90 détenues. De plus, la chambre était infestée de poux, ce qui rendait les conditions de vie malsaines et inconfortables.

Il semble que Mme Ghrissa n’a pu avoir ses lunettes de vue qu’après environ trois semaines. En outre, l’accès aux livres et autres supports de lecture était très limité.

Concernant M. Abdallah Said :

Selon les informations reçues, le 12 novembre 2024, quatre représentantes de l’association « Enfants de la Lune » auraient été convoquées devant l’unité de police d’El Gorjeni à Tunis. M. Said avait décidé de les accompagner, en tant que président de l’association pour s’assurer qu’ils ne soient pas laissés seules. Alors qu’il attendait à l’extérieur pendant leur interrogatoire, il aurait été abordé par un individu qui s’est enquis de son identité et de sa fonction. Cet individu semblait être un officier de police qui lui a ensuite demandé de l’accompagner au poste de police pour y être interrogé.

Lors de l’interrogatoire, les questions se seraient principalement concentrées sur le financement de l’association et le respect des règles relatives à son fonctionnement. Il est rapporté que les questions semblaient être motivées par des considérations politiques plutôt que par des préoccupations d’ordre juridique. A la fin de son interrogatoire, M. Said a été placé en garde à vue, avec deux autres représentantes de l’association, pour une période de cinq jours, qui a été renouvelée deux fois sur la base de la loi anti-terrorisme.

Le 27 novembre 2024, ils ont été déférés devant le Procureur de la République du pôle judiciaire anti-terrorisme. Ce dernier a référé l’affaire au Procureur de la République auprès du tribunal de première instance de Médenine, estimant que les charges ne relevaient pas de la loi anti-terrorisme. Les autres membres de l’association ont été maintenues en liberté à l’exception de M. Said, qui a été placé en détention préventive pour divers chefs d’accusation. Par la suite, il a été transféré à la prison civile de Harboub dans le gouvernorat de Médenine.

Le juge d’instruction du tribunal de première instance de Médenine a accusé M. Said d’avoir facilité « l’installation » de migrants subsahariens en Tunisie. A la fin de l’interrogatoire, un mandat de dépôt a été émis à son encontre.

M. Said semble avoir été interrogé trois fois par le même juge d’instruction. Lors du deuxième interrogatoire, le juge l’a rassuré en lui disant qu’il n’y avait pas d’accusation sérieuse contre lui. Cependant, lors du troisième interrogatoire, le juge est resté vague, déclarant qu’ils allaient « voir » comment les choses allaient se dérouler. Le juge a également ordonné une expertise judiciaire dont l’objet est un audit financier de l’association.

Selon les informations reçues, M. Said a été accusé de « former un groupe criminel organisé dangereux » et de contribuer à « l’installation » de migrants à Medenine. Si la première accusation a été rejetée, la seconde a été maintenue.

Concernant Mme Sherifa Riahi Sahaly :

Le 7 mai 2024, Mme Sherifa Riahi Sahaly aurait été interpelée à son domicile par des agents de sécurité en civil, emmenée à la caserne de l’Aouina et laissée en garde à vue pour une première période de cinq jours sur la base de la décision du Procureur de la République auprès du pôle judicaire économique et financier. Une première extension a été décidée le 12 mai 2024.

Mme Riahi Sahaly a été interpellée et détenue alors qu’elle était de retour de congé de maternité. Au moment de l’arrestation, son bébé avait 2 mois et son fils avait 3 ans. Durant la durée de la garde à vue, Mme Riahi Sahaly aurait pu voir son bébé cinq fois pour l’allaiter.

Le 17 mai 2024, Mme Riahi Sahaly aurait comparu devant le juge d’instruction auprès du pôle judiciaire économique et financier mais sans qu’elle soit interrogée, et ce, à la demande de son avocat qui a évoqué son état d’épuisement et de fatigue, après avoir passé environ 12 heures en attente.

Le 21 mai 2024, elle aurait été interrogée par le juge d’instruction du pôle judiciaire économique et financier en présence de son avocat, pendant environ trois heures. À la fin, un mandat de dépôt a été émis à son encontre pour des charges de blanchiment d’argent, de complot en vue de changer la nature du régime, aide au transport et hébergement d’étrangers en situation irrégulière, et falsification de document. Ces accusations auraient été également portées à l’association Tunisie Terre d’Asile, et à 17 autres prévenus dont au moins 5 en détention.

Selon les informations reçues, une demande de libération aurait été implicitement rejetée par le juge d’instruction.

Le 15 novembre 2024, une première extension de la période de la détention préventive de quatre mois a été décidée par le juge d’instruction.

Le 8 janvier 2025, les experts judiciaires, qui ont été désignés par le juge d’instruction, ont remis leurs rapports concernant les charges de blanchiment d’argent.

Le 28 janvier 2025, le juge d’instruction a clôturé les investigations avec abandon des principales charges de crimes liés au blanchiment d’argent et complot. Quelques délits mineurs relatifs à l’information, le transport, l’aide et a l’hébergement d’étrangers en situation irrégulière ont été retenues contre Mme Riahi.

Suite au recours interjeté par le Procureur de la République, la chambre d’accusation s’est saisie de l’affaire et a décidé, le 26 février 2025 de remettre les charges de participation à l’utilisation de fonctionnaire publique de sa fonction pour porter préjudice à l’administration (article 96 du Code Pénal) et de disculper complètement l’association Terre d’asile Tunisie et son représentant légal. Cette décision a été pourvue en cassation par les intéressés.

Depuis son incarcération en mai 2024, Mme Riahi n’aurait pu voir son bébé que 5 fois (10 minutes chaque fois avec dispositif de séparation vitrée et un téléphone pour communiquer). Une visite directe (sans dispositif de séparation) lui aurait été accordée 2 fois, pour 20 minutes chaque fois.

Mme Riahi n’a pas pu voir ou être en contact avec son fils de 3 ans pendant toute sa détention, qui serait en situation psychologique très délicate à cause de cette séparation.

PRÉOCCUPATIONS

Dans la communication, nous exprimons notre profonde préoccupation quant aux allégations concernant les conditions d’arrêt et la détention provisoire de Mme Saadia Mosbah, Mme Saloua Ghrissa, M. Abdallah Said et Mme Sherifa Riahi Sahaly. Cela semble être lié à leur travail et leurs déclarations pacifiques à propos des droits humains et des droits des migrants en Tunisie.

Si elles sont avérées, ces allégations sont susceptibles de constituer une atteinte grave à la liberté d’opinion et d’expression tels que garantis par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’articles 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Tunisie le 18 mars 1969.

Nous sommes extrêmement préoccupés par les allégations d’absence de conditions pour un procès équitable, de mauvais traitement en prison à l’encontre des défenseurs des droits humains, et des restrictions aux visites familiales. Si confirmées, ceux-là sont en contradiction directe avec les articles 7, 9, 10 et 14 du PIDCP, avec les obligations de l’État en vertu de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la Tunisie a ratifié le 18 mars 1969, avec la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT), ratifiée par la Tunisie le 23 septembre 1988, et avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Mandela).

Si les allégations détaillées ci-dessus s’avèrent fondées, nous demandons la libération immédiate des défenseurs et défenseuses des droits humains qui semblent être poursuivis pour leur seul engagement dans les droits des migrants et la lutte contre toute forme de discrimination.

Nous voudrions également noter que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publiquement exprimé son inquiétude face à l’augmentation du ciblage des organisations travaillant à aider les migrants, en particulier ceux de la région subsaharienne, et face à l’arrestation arbitraire et à la détention de défenseurs des droits humains, qui sont critiques des politiques migratoires du pays.

Comme l’a rappelé la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains dans son rapport sur les défenseurs et défenseuses des droits humains travaillant sur les droits des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile soumis à l’Assemblée générale (A/77/178), ces défenseurs et défenseuses prennent de grands risques personnels et sont souvent accusés d’être des passeurs de migrants ou des agents étrangers (paragraphe 4). Le travail des défenseurs et défenseuses des droits humains et des organisations qui soutiennent les réfugiés, les migrants et les demandeurs d’asile est essentiel pour promouvoir et protéger les droits humains des migrants très vulnérables, dans un environnement où des acteurs criminels profitent de cette vulnérabilité.

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