Tunisie : détention arbitraire et mauvais traitements infligés au défenseur des droits de l’homme et de l’environnement Mohamed Ali Rtimi (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres expertes des Nations Unies et transmise au Gouvernement de la Tunisie le 25 juin 2025. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Le Gouvernement a répondu le 22 août 2025, sollicitant une prolongation du délai de réponse à la communication. Si d’autres réponses sont reçues, elles seront publiées sur la base de données des procédures spéciales des Nations Unies.

À ce jour, la plainte déposée par M. Rtimi concernant les mauvais traitements qu’il a subis est toujours sans suite.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète Lire la réponse du Gouvernement

CONTEXTE

Sujet : la détention arbitraire présumée, le mauvais traitement infligé au défenseur des droits de l’homme et de l’environnement, M. Mohamed Ali Rtimi et l’absence de procédure régulière pendant son procès.

M. Mohamed Ali Rtimi est membre de l’Association tunisienne pour la justice et l’égalité (Damj), qui travaille pour la promotion et la défense des droits de l’homme, en mettant l’accent sur les droits des minorités, notamment les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et autres personnes de genre divers (LGBT).

Damj a fait l’objet de la communication AL TUN 9/2021, du 21 décembre 2021, pour laquelle aucune réponse du gouvernement n’a été reçue. Il a aussi fait l’objet de la communication AL TUN 3/2024, du 31 mai 2024. Nous remercions le Gouvernement pour sa réponse du 4 octobre 2024.

ALLÉGATIONS

Le 23 mai 2025 vers 19h15, M. Rtimi aurait été violemment arrêté par des agents de police à l’issue d’une manifestation pacifique organisée par le mouvement « Stop pollution » de la région de Gabès, au sud de la Tunisie. Les manifestants réclamaient le démantèlement des unités polluantes appartenant au complexe chimique géré par le Groupe chimique tunisien appartenant à l’État (GCT) et l’arrêt du projet d’installation d’une station pilote de production d’hydrogène vert faisant l’objet d’un partenariat UE-Tunisie dans la région de Gabès.

L’arrestation de M. Rtimi est survenue alors qu’il tentait de porter secours et de demander l’arrêt des attaques contre un manifestant victime de violences policières sur la voie publique, après la dispersion du rassemblement. Il a été embarqué dans un véhicule de police, avec deux autres manifestants, et aurait été violemment agressé par les agents de police qui lui ont porté des coups durant son transfert dans les locaux du district de la Sûreté nationale de Bab Bhar à Gabès.

À son arrivée au poste à 20h, M. Rtimi a refusé de se soumettre à un interrogatoire en l’absence de son avocat, et a exigé un examen médical ait lieu pour faire constater les blessures qu’il affirme avoir subies. À la suite de cette demande, M. Rtimi aurait de nouveau été victime d’agressions physiques et verbales de la part des agents de police présents. A 20h30, il a été autorisé à passer un appel téléphonique pour informer l’association DAMJ de son arrestation. A 21h, le premier substitut du Procureur a ordonné son placement en garde à vue pour 48 heures. Le même soir M. Rtimi a eu accès à son avocat.

Les blessures subies par M. Rtimi, étant des ecchymoses au visage, des contusions au niveau du sourcil et de l’œil, des marques de coups de bâton dans le dos, ainsi que des plaies au genou et à la jambe, ont été médicalement constatées par le médecin de garde du service des urgences de l’hôpital régional de Gabès à 23h30 et consignées dans le procès-verbal de l’enquête.

Les déclarations des agents de police consignées dans le procès-verbal d’enquête indiquent que deux bouteilles incendiaires artisanales (type Molotov) ainsi que des pierres ont été saisies à proximité des lieux où M. Rtimi et deux autres personnes arrêtées ont été interpellées. Les agents ont également précisé que M. Rtimi n’est intervenu qu’après avoir été interpellé par un manifestant refusant de monter dans un véhicule de police, et qu’il a donné des coups de pieds à un agent de police, ce que M. Rtimi conteste. L’agent lui-même n’a pas fait une plainte officielle contre M. Rtimi.

Le 25 mai 2025, le placement en garde à vue de M. Rtimi a été prolongé de 24 heures.

Le 26 mai 2025, M. Rtimi a été auditionné par le Procureur de la République qui a émis un mandat de dépôt à son encontre pour « attroupement de nature à troubler la paix publique » et « violence exercée contre un agent public ou assimilé », conformément aux articles 79 et 127 du Code pénal tunisien, respectivement. Seul le certificat médical décrivant des traumatises et douleur à la jambe gauche, fourni par le policier prétendument agressé a été versé au dossier, tandis que celui de M. Rtimi n’a pas été pris en compte. Le Procureur a assigné la première audience devant la Chambre correctionnelle du Tribunal de première instance à Gabès le mercredi 28 mai 2025.

Le 28 mai, M. Rtimi a été reconnu coupable en vertu des articles 79 et 127 du Code pénal tunisien et condamné à quatre mois d’emprisonnement, comprenant deux mois pour chacune de deux accusations. Il a fait appel de la décision et déposé une demande de libération, qui a été accepté.

Le 4 juin 2025, M. Rtimi a été libéré conditionnellement.

Le 9 juin 2025, la cour d’appel de Gabès a entendu la défense de M. Rtimi, qui a demandé l’ouverture d’une enquête sur les mauvais traitements infligés par la police et l’ajout de son certificat médical à son dossier.

Le 23 juin 2025, la cour d’appel a condamné M. Rtimi a une amende de 100 dinars tunisiens (USD 0.77).

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons notre vive préoccupation face aux allégations concernant les accusations contre M. Rtimi qui semblent résulter de son droit à manifester pacifiquement. Nous sommes également préoccupés par les mauvais traitements qu’il aurait subis lors de son arrestation et de sa détention, et par l’absence de procédure régulière dans le procès de M. Rtimi, comme en témoigne l’absence dans son dossier du certificat médical montrant des signes de coups et de mauvais traitements de la part de la police.

S’ils sont confirmés, les faits allégués sembleraient contrevenir, entre autres normes, les droits à la liberté et sécurité de la personne aussi que le droit á la liberté d’expression, entre autres, consacrés à la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie a adhéré le 18 mars 1969, et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la Tunisie a ratifiée le 23 septembre 1988.

Nous sommes préoccupés également par rapport à l’effet dissuasif et inhibiteur que l’arrestation et traitement donné à M. Rtimi aura pour la société civile et défenseurs des droits humains en Tunisie.

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