Ce qui suit est basé sur une communication écrite par le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, et moi-même et transmise au gouvernement du Togo le 14 décembre 2021. La communication est récemment devenue publique, ainsi que la réponse du gouvernement, reçue le 24 février 2022.
J’aimerais remercier le gouvernement pour sa réponse, mais je tiens à exprimer mes préoccupations (voir ci-dessous).
CONTEXTE
Sujet: allégations de détention arbitraire et prolongée de Abdoul Aziz Goma, sans accès à un avocat entre décembre 2018 et octobre 2020, pendant laquelle sa santé s’est détériorée gravement.
M. Abdoul Aziz Goma est irlandais d’origine Togolais, âgé de 50 ans. Il habitait en Irlande et effectuait des visites d’affaires régulièrement au Togo. Il est défenseur des droits humains et avait financé les frais de logement de jeunes manifestants venus à Lomé pour participer à des manifestations pacifiques.
ALLÉGATIONS
Le 21 décembre 2018 M. Goma a été arrêté avec son chauffeur et son guide, par un groupe d’hommes armées en civil qui n’ont donné aucun motif pour les arrestations et n’ont pas fourni de mandat d’arrêt. Ils les ont battus et ont menacé de leur tirer dessus. Ils les ont ensuite emmenés au siège de la police judiciaire (Service Centrale de Recherches et d’Investigation Criminelles, SCRIC) où il a été révélé que leurs agresseurs étaient des agents de la gendarmerie. Ils les ont attachés à des arbres et ont continué à les battre sévèrement pendant prés de 24 heures jusqu’à ce que M. Goma aurait saigné et aurait perdu connaissance.
Le 23 décembre 2018, M. Goma, son chauffeur et son guide ont été interrogés, au cours desquels ils ont été soumis à des mauvais traitements et à des menaces avec des armes pointées sur eux.
Le 31 décembre 2018, ils ont comparu devant le procureur de la République auquel ils ont montré les blessures infligées par les tortures et les mauvais traitements.
Le 15 janvier 2019, et sans accès à un avocat, M. Goma a été présenté au juge d’instruction qui a vu ses blessures mais ne les aurait pas prises en considération. Aucune enquête n’aurait été commenditée sur les circonstances dans lesquelles M. Goma aurait été blessé.
Le même jour, M. Goma a été transféré à la prison civile de Lomé, où il a été détenu dans une cellule étriquée; il serait incapable de marcher et les médecins auraient peur qu’il perde l’usage de ses jambes de façon permanente.
En octobre 2020, M. Goma a eu accès à des avocats qui ont demandé sa libération sous caution au juge d’instruction, sans recevoir de réponse à leur requête.
M. Goma a été inculpé de destruction de biens publics, d’association avec l’activisme et le radicalisme, d’association avec un groupe criminel, et d’atteinte à la sûreté et à la sécurité de l’État.
Le 26 novembre 2021, M. Abdoul Aziz Goma aurait été admis à l’hôpital dans l’unité de soins intensifs. Durant son séjour à l’hopital, les visites étaient interdites en raison de la pandémie du COVID-19.
Selon un certain nombre de tests qu’il a subis, dont une électroneuromyographie, il est possible qu’il souffre de la maladie de Charcot Marie Tooth. Cela nécessiterait une intervention chirurgicale et une physiothérapies. Alors que M. Goma ait un accès intermittent à des soins médicaux, des gardiens de prison l’auraient intimidé, notamment via le harcelement de membres de sa famille en visite.
M. Goma etait détenu dans un lieu de détention non officiel par la gendarmerie nationale et conduit à l’hôpital pour y être soigné.
PRÉOCUPATIONS
Au moment de l’envoi de la communication, nous avons exprimé notre vive inquiétude quant aux allégations de mauvais traitements à l’encontre de M. Goma, y compris le manque de soins adaptés à son état de santé qui s’est gravement détérioré au cours des trois ans de détention arbitraire, dans des conditions inhumains et dégrandants.
Nous avons aussi exprimé nos graves préoccupations quant aux allégations faisant état de coercision à l’encontre de M. Goma pour le contraindre à avouer sa culpabilité, et nos sérieuses préoccupations selon lesquelles la détention de M. Goma pourrait être liée à ses activités de défenseur des droits humains.
ACTUALISATION
Le 19 Janvier M. Goma aurait été transféré à la prison civile de Lomé, d’après la réponse du gouvernement du Togo. Je continuerai à suivre sa situation de détention.