République Démocratique du Congo : enlèvement et violences contre quatre défenseuses des droits humains et des membres de leurs familles (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement de la République Démocratique du Congo le 30 mai 2024. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas répondu dans ce délai. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies

Depuis l’envoi de la communication, les défenseuses des droits humains Nabeza Kimoka, Aline Uwineza, Queen Nabeza et Nyiramudasumba Aimé continuent de régulièrement subir des menaces de mort.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète

CONTEXTE

Sujet : l’enlèvement et les violences commises à l’encontre de quatre défenseuses des droits humains et de membres de leurs familles, et les menaces et intimidations contre leur organisation.

Mmes Nabeza Kimoka, Aline Uwineza, Queen Nabeza et Nyiramudasumba Aimé sont défenseuses des droits humains et animatrices au sein de “Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale”, une organisation à but non lucratif fondée par des femmes de la communauté Banyamulenge. L’organisation mène des activités de consolidation de la paix, de promotion de la cohésion sociale et des droits humains auprès des différentes communautés congolaises et opère dans les hauts et moyens plateaux du territoire de Fizi, dans la province du Sud-Kivu.

ALLÉGATIONS

Les 5 et 6 janvier 2024, l’organisation Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale aurait organisé des ateliers de sensibilisation sur le respect des droits humains en temps de conflit et le droit international humanitaire dans le territoire de Fizi.

Le 20 janvier 2024, des individus appartenant aux communautés Fuliru et Bembe auraient initié une lettre demandant au chef de localité de procéder à la fermeture sans délai du bureau de l’organisation Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale et de suspendre ses activités. Ces mêmes personnes auraient accusé les défenseuses des droits humains Mmes Nabeza Kimoka, Aline Uwineza, Queen Nabeza et Nyiramudasumba Aimé d’être des espionnes des groupes armés Gumino et Twigwaneho.

Le 8 février 2024, les bureaux de l’organisation Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale auraient été perquisitionnés par des membres du groupe armé Biloze Bishambuke. Ces derniers auraient accusé les quatre défenseuses des droits humains de loger des membres des groupes armés Gumino et Twigwaneho et suspecté que les bureaux de l’organisation servaient de dépôt d’armes. Au terme de la perquisition, au cours de laquelle aucun élément appuyant ces accusations n’a été trouvé, les membres du groupe armé Biloze Bishambuke auraient confisqué trois ordinateurs utilisés par les défenseuses des droits humains.

Le 17 février 2024, l’organisation Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale aurait à nouveau reçu un courrier d’intimidations menaçant de suspendre ses activités sans aucun motif.

Le 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, aux alentours de 10 heures, Mmes Kimoka, Uwineza, Nabeza et Aimé auraient été attaquées physiquement par plusieurs individus alors qu’elles menaient une activité au sein d’un groupe de femmes à Kabanja.

Le 10 mars 2024, une marche aurait été organisée par ces femmes pour exprimer leur colère à l’encontre des groupes armés Bishake Bishambuke et RED-Tabara. Lors de cet évènement, plusieurs d’entre elles auraient été interpellées et attaquées physiquement.

Le 18 mars 2024, au cours de la nuit, les défenseuses des droits humains Mmes Kimoka, Uwineza, Nabeza et Aimé auraient été enlevées par des individus non identifiés au sein de leurs domiciles respectifs.

Mmes Kimoka, Uwineza, Nabeza et Aimé auraient été relâchées au cours du mois suivant et continueraient de faire l’objet de menaces. Elles auraient subi en captivité des actes de torture et de violences sexuelles. Nous ignorons à l’heure actuelle leur état de santé.

Le 25 avril 2024, Mmes Kimoka, et Nabeza ont reçu de nouvelles menaces de mort. Aux alentours de 23 heures ce même jour, les mères des défenseuses Nabeza Kimoka et Queen Nabeza auraient à leur tour été enlevées par des individus cagoulés à leur domicile à Bitimbwangoma, dans les hauts plateaux du territoire de Fizi.

Les mères de Mmes Kimoka et Nabeza auraient été libérées au début du mois de mai, mais elles auraient aussi rapporté avoir subi des actes de torture et de violences sexuelles, et se trouveraient dans un état de santé critique.

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons de graves préoccupations quant aux allégations d’enlèvement et de violences à l’encontre des défenseuses des droits humains Nabeza Kimoka, Aline Uwineza, Queen Nabeza et Nyiramudasumba Aimé, et de membres de leurs familles respectives, dans un contexte d’intimidations et de menaces grandissant à l’encontre de leur organisation, Tous pour la Paix et la Cohésion Sociale.

Compte tenu de la nature des menaces reçues par Mmes Kimoka, Uwineza, Nabeza et Aimé avant leur enlèvement et des intimidations contre leur organisation, il existe des motifs raisonnables de croire que ces attaques pourraient être directement liées au travail légitime et pacifique de ces défenseuses en faveur des droits humains et de la consolidation de la paix dans le territoire de Fizi, dans la province du Sud-Kivu, et à l’exercice de leurs droits à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

Dans son dernier rapport thématique présenté à l’Assemblée Générale (A/78/131), la Rapporteuse Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme énonce que « les défenseuses des droits humains qui travaillent dans des situations de conflit, d’après-conflit ou de crise font face à des risques multiples dans des contextes extrêmement difficiles, souvent en l’absence de mécanismes de protection étatiques efficaces ». Elle recommande aux États d’« [a]dopter et mettre en œuvre des lois et des politiques de protection des défenseurs et défenseuses des droits humains qui tiennent compte des questions de genre dans les situations de conflit, d’après-conflit ou de crise ». Également, le dernier rapport du Rapporteur Spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association (A/78/246) souligne les contributions vitales des femmes défenseuses des droits humains dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix, ainsi que les menaces, intimidations et violences auxquelles elles sont confrontées.

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