Niger: arrestation arbitraire, disparition forcée et harcèlement judiciaire de la défenseuse des droits humains Samira Sabou (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement du Niger le 20 décembre 2023. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas répondu dans ce délai. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies.

À ce jour, Samira Sabou demeure dans l’attente du résultat de l’appel concernant sa première condamnation ainsi que de la date du procès pour les deuxièmes accusations.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète

CONTEXTE

Sujet : allégations de harcèlement judiciaire de Samira Sabou.

Mme Samira Sabou est une journaliste, blogueuse et défenseuse des droits humains, présidente de l’Association des Blogueurs pour une Citoyenneté Active (ABCA) et administratrice du site MIDES – Magazine d’information sur le Développement Économique et Social. Elle œuvre à la promotion du droit des femmes et à la liberté d’expression.

Le 27 mai 2021, Mme Sabou aurait été arrêtée par des agents de l’Office Central de répression du Traffic Illicite des Stupéfiants (OCRTIS) suite au partage d’un article sur sa page Facebook le jour précédent. Cet article avait initialement été publié par une organisation non-gouvernementale, affirmant qu’une quantité de drogue saisie en mars 2021 par l’OCRTIS aurait été ensuite rachetée par les réseaux de trafic impliquées.

Le 9 septembre 2021, Mme Samira Sabou aurait comparu devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey et aurait été mise en examen pour diffamation par un moyen de communication électronique, et de diffusion d’informations de nature à troubler l’ordre public, conformément aux articles 29 et 31 de la Loi contre la cybercriminalité de 2019, punissables de peines d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende allant d’un million à cinq millions de francs CFA.

Mme Sabou avait fait l’objet d’une précédente communication concernant un cas de harcèlement judiciaire à son encontre en 2021.

ALLÉGATIONS

Le 3 janvier 2022, Mme Sabou aurait été reconnue coupable de « diffamation » et de « diffusion d’informations de nature à troubler l’ordre public ». Elle aurait été condamnée à un mois de prison avec sursis et une amende. Elle aurait fait appel de ce verdict mais n’aurait pas eu de réponse jusqu’au moment de l’envoi de la présente communication.

Le 5 août 2023, Mme Sabou aurait déclaré sur les réseaux sociaux qu’elle souhaitait rester neutre dans la situation politique actuelle. Ceci aurait déclenché une campagne de diffamation à son encontre par des membres de la société civile qui serait au centre des manifestations anti-françaises, l’accusant de travailler pour des entreprises étrangères et d’être coupable d’espionnage. Elle aurait porté plainte auprès de la police, mais celle-ci n’aurait pas donné suite à sa plainte.

Le 30 septembre 2023, Mme Sabou aurait été interpellée chez elle par des hommes en tenue civile qui auraient pris son téléphone mobile, lui auraient bandé les yeux et l’auraient emmené dans un endroit inconnu en détention secrète.

Elle aurait ensuite été emmenée dans une grande pièce sans fenêtre où étaient détenues deux autres femmes. La pièce était équipée d’une caméra fixée au mur en hauteur, avec une lumière électrique allumée en permanence. La pièce était dotée d’un écran de verre donnant sur une salle d’interrogatoire et à travers lequel Mme Sabou et les deux autres femmes pouvaient être vues. Un rideau aurait été placé sur l’écran huit jours après sa détention.

Pendant toute sa détention, Mme Sabou n’aurait pas été autorisée à contacter sa famille ni son avocat, qui, d’ailleurs ne connaissaient pas ni le sort ou l’endroit où elle se trouvait.

Les 2 et 3 octobre 2023, Mme Sabou aurait été interrogée sur les conversations qu’elle aurait eues sur le service de messages instantanés WhatsApp, notamment avec des diplomates étrangers et des personnalités politiques locales. Suite à cet interrogatoire, il lui aurait été demandé de se remémorer d’autres échanges qu’elle aurait pu avoir avec des personnes souhaitant « déstabiliser » le Niger.

Selon l’information reçue, Mme Sabou aurait donc été victime d’une disparition forcée depuis le 30 septembre jusqu’au 8 octobre 2023. Ce dernier jour, elle aurait demandé à rencontrer des hauts responsables du lieu de détention et aurait menacé d’entamer une grève de la faim. Elle aurait ensuite été conduite à la police judiciaire et aurait été de nouveau interrogée pendant deux heures en présence de son avocat. Elle aurait été de nouveau interrogée le 9 octobre pendant 30 minutes, puis, aurait été accusée d’espionnage et de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public.

Le 11 octobre 2023, Mme Sabou aurait été conduite au Palais de Justice de Niamey pour comparaître devant un juge afin de répondre aux accusations de la police. Elle n’aurait pas été autorisée à appeler son avocat, mais celui-ci se serait présenté au tribunal après avoir été alerté. Apparemment, le juge a abandonné la charge d’espionnage et a inculpé Mme Sabou d’intelligence avec une puissance étrangère, un crime prévu par l’article 62 du code pénal, et de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public, définie par l’article 31 de la Loi contre la cybercriminalité de 2019. La première inculpation est punie de la peine de mort si elle est reconnue coupable, et la deuxième est punie de peines d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende pouvant aller d’un million à cinq millions de francs CFA.

Le 11 octobre 2023, Mme Sabou aurait été relâchée en liberté provisoire, mais son téléphone portable aurait été confisqué.

Apparemment, le 8 novembre 2023 Mme Sabou, en présence de son avocat, est passée devant le juge d’instruction qui lui a posé les mêmes questions qui lui avait été posées par les agents de la police. Le juge aurait levé le scellé et lui aurait remis son téléphone portable. Aucune date de procès pour les nouvelles accusations n’aurait été fixée. Apparemment, Mme Sabou attend à présent le résultat de l’appel concernant sa première condamnation et la date du procès pour les deuxièmes accusations.

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons notre profonde préoccupation quant à l’arrestation arbitraire présumée de Mme Sabou et sa disparition forcée de huit jours durant laquelle elle n’a eu aucun contact avec sa famille ou son avocat.

Nous sommes également préoccupés par les mauvais traitements allégués que Mme Sabou aurait subie au cours de ses huit jours de détention, notamment l’absence de fenêtres donnant sur l’extérieur, la présence d’une vidéosurveillance et d’un écran à travers lequel elle aurait été surveillée à tout moment, la privant de son droit à la vie privée.

Nous sommes également préoccupés par le harcèlement judiciaire présumé de Mme Sabou alors qu’elle a déjà été reconnue coupable et condamnée à un mois de prison avec sursis pour la même accusation de diffusion de données de nature à troubler l’ordre public.

Enfin, nous exprimons nos plus vives préoccupations concernant les lourdes peines encourues pour les infractions auxquelles elle fait face, en particulier le risque de peine de mort au cas où elle serait reconnue coupable.

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