Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement du Maroc le 3 janvier 2025. La communication est restée confidentielle durant 60 jours afin de permettre au Gouvernement de répondre. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas répondu dans ce délai. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies.
Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.
CONTEXTE
Sujet : la répression des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des porte-paroles de la contestation au Sahara occidental au cours des derniers mois.
M. Hassana Douahi est un défenseur des droits de l’homme qui plaide pour les droits du peuple sahraoui.
M. Ahmed Ettanji et M. Mohamed Mayara sont des journalistes sahraouis et des défenseurs des droits de l’homme qui défendent les droits du peuple sahraoui au Sahara occidental. Mohamed Mayara a cofondé l’Association sahraouie des victimes de graves violations des droits de l’homme (ASVDH) en 2005 et l’organisation « Équipe Média » en 2009. Ces organisations travaillent à documenter les violations des droits de l’homme commises par les autorités marocaines dans le Sahara occidental et à sensibiliser la communauté internationale à la cause du Sahara occidental. Ahmed Ettanji est le président d’Équipe Média.
M. Sidi Mohamed Dadach est un défenseur des droits de l’homme, qui s’engage activement pour le peuple sahraoui au Sahara occidental.
ALLÉGATIONS
Plusieurs journalistes, défenseurs des droits de l’homme, leaders de la contestation et opposants politiques de premier plan ont fait l’objet d’une répression accrue ces derniers mois, apparemment en représailles de leur travail en faveur des droits de l’homme, et notamment de leur soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Des rapports font état d’une surveillance accrue et du recours à des tactiques d’intimidation, telles que les menaces et le harcèlement, pour faire taire les dissidents.
On signale de plus en plus de détentions arbitraires, de répressions violentes de manifestations pacifiques et de restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de mouvement contre les défenseurs des droits de l’homme. Les familles des défenseurs des droits de l’homme ont également été visés par les représailles économiques et la perte d’opportunités en matière d’éducation et d’emploi.
Le cas d’Ahmed Ettanji et Mohamed Mayara
Le 9 octobre 2024, les forces de sécurité marocaines ont assiégé, menacé d’arrêter et expulsé M. Ahmed Ettanji et M. Mohamed Mayara de la ville de Cap Bojador, au Sahara occidental, alors qu’ils s’y trouvaient pour une visite familiale.
À leur arrivée au poste de contrôle local, les deux défenseurs des droits humains ont été retenus par les autorités marocaines, puis relâchés au bout d’une heure. Lorsque les défenseurs des droits de l’homme sont arrivés au domicile de la famille, ils ont trouvé la police marocaine, y compris le commissaire de police du Cap Bojador, encerclant l’endroit, les menaçant d’arrestation et exigeant qu’ils quittent immédiatement la maison et la ville. La famille d’accueil a également fait l’objet d’actes d’intimidation et de menaces de perquisition parce qu’elle hébergeait les défenseurs des droits de l’homme.
En conséquence, les défenseurs des droits de l’homme ont dû quitter la ville et ont été contraints de retourner dans Laâyoune.
Le cas de Hassana Douahi
Le 4 novembre 2024, M. Hassana Douahi a été emmené par la police après avoir rendu visite à son frère Boujdour. Il avait déjà été suivi dans la ville par des agents de police en civil. Son ami aurait également reçu un appel téléphonique lui conseillant d’éviter tout contact avec M. Douahi. Lorsqu’il a quitté un café vers 21 h 00, il a été encerclé par six policiers en civil et forcé à monter dans une voiture portant un numéro d’immatriculation officiel. Il aurait été conduit pendant quelques heures, puis mis dans un taxi et sommé de retourner à Laâyoune, où il vit. Aucune explication officielle n’aurait été donnée.
Le lendemain, le 5 novembre 2024, alors qu’il recevait deux militants syndicaux norvégiens et défenseurs des droits de l’homme du Sahara occidental, la police s’est présentée à son domicile et leur a demandé de partir. M. Douahi a refusé d’obtempérer et lorsque les militants norvégiens ont quitté son domicile, ils auraient été encerclés par 34 policiers, placés dans une voiture et déposés à leur hôtel, puis dans un taxi vers l’aéroport d’Agadir.
Expulsion de militants des droits de l’homme
Le 2 novembre 2024, des défenseurs des droits de l’homme de Norvège ont visité la maison de M. Sidi Mohammed Dadach. Selon les informations reçues, la maison de M. Dadach a été encerclée par des officiers de police, qui ont ordonné aux militants de préparer leurs affaires à l’hôtel, et leur ont ordonné de quitter le Sahara occidental. Ils auraient été escortés jusqu’à Agadir.
Intimidation des membres de la famille des défenseurs des droits de l’homme
Selon les rapports reçus, les enfants des défenseurs des droits de l’homme au Sahara occidental ont, dans certains cas, été privés de bourses d’études et de transport. Plusieurs enfants d’éminents activistes auraient été empêchés d’accéder à des universités en dehors du territoire du Sahara occidental en raison des activités de leurs parents dans le domaine des droits de l’homme. Un certain nombre de jeunes étudiants activistes auraient également été privés d’aides au transport et de bourses d’études en raison de leur activisme.
D’autres défenseurs des droits de l’homme ont rapporté avoir été expulsés de leur travail ou transféré arbitrairement. Certains ont fait l’objet de procédures disciplinaires injustifiées, ainsi que de suspensions ou de gels de salaire, sans souvent notification préalable.
Un certain nombre de défenseurs des droits de l’homme ont également signalé que leur « carte de promotion nationale » aurait été gelée par leur employeur sans notification préalable ni justification. Certains militants ont été informés par les autorités marocaines que leur carte serait réactivée à condition qu’ils s’engageaient par écrit à cesser toute participation politique, ce qu’ils ont refusé de faire.
PRÉOCCUPATIONS
Dans cette communication, nous exprimons notre grave préoccupation quant à l’intimidation et la surveillance des défenseurs des droits de l’homme sahraouis, la déportation présumée de quatre jeunes militants syndicaux norvégiens du Sahara occidental, ainsi que les mesures de rétorsion économiques imposées aux membres de la famille des défenseurs des droits de l’homme et aux militants eux-mêmes. Nous exprimons également notre inquiétude concernant les restrictions à la liberté de mouvement et de réunion imposes aux défenseurs des droits de l’homme sahraouis et étrangers.
Nous sommes également préoccupés par l’effet dissuasif notable que ces mesures sont susceptibles de déclencher sur les défenseurs des droits de l’homme sahraouis de manière plus générale, en entravant leur capacité à exprimer leur dissidence, leurs critiques ou à mener à bien leur travail légitime de défense des droits humains.
Les mesures qui auraient été prises pourraient entraîner des violations des droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, ainsi que du droit à la liberté et à la sécurité et du droit au respect de la vie privée.