Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humainset transmise au gouvernement de Guinée-Bissau le 10 mai 2022. La communication est récemment devenue publique, mais malheureusement, le gouvernement n’a pas répondu dans le délai initial de 60 jours. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies.
« Nous souhaiterions attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur des informations que nous avons reçues concernant l’enlèvement et les violences physiques contre M. Sana Canté.
M. Sana Canté est un défenseur des droits de l’homme et un avocat. Il était le président du Mouvement des citoyens conscients et informés (Movimento de Cidadaos Conscientes e Inconformados) (MCCI). Le Mouvement MCCI est une organisation créée par M. Sana Canté et d’autres jeunes militants en 2015 pour faire face à ce qu’ils considèrent comme des excès des autorités à l’encontre de la population civile, notamment en ce qui concerne les violations des lois du pays et de la démocratie. Le Mouvement a organisé plusieurs manifestations en 2018 contre l’ancien président de la République M. José Mário Vaz et le gouvernement dirigé par l’actuel président de la République M. Umaro Sissocó Embaló en accusant les deux de ne pas respecter la constitution et les droits fondamentaux. Dans la période précédant les élections de 2019, M. Canté a quitté le mouvement et a rejoint le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Cependant, il continue son activisme et son travail en faveur des droits de l’homme.
En février 2020, M. Canté a quitté Guinée-Bissau en raison de menaces présumées du régime en place, mais il a continué à militer pour les droits de l’homme au Portugal. Il possède également la nationalité portugaise, et s’est rendu de Lisbonne en Guinée Bissau le 19 mars 2022 pour participer en tant que délégué au 10e congrès du PAIGC
M. Canté a précédemment fait l’objet d’une communication adressée au gouvernement de votre excellence (GNB 1/2017). Nous regrettons qu’aucune réponse n’ait encore été reçue à cette communication.
Selon les informations reçues :
Le 19 mars 2022, après son arrivée du Portugal, M. Sana Canté aurait été enlevé vers 14h50 devant la Discoteca Bambu à Bissau, par un groupe d’agents non identifiés en uniformes bleu foncé, armés d’armes AK, dont certains étaient cagoulés. Selon des témoins, les auteurs présumés conduisaient une voiture Ford bordeaux aux vitres teintées et un Range Rover noir banalisé.
La voiture de M. Canté aurait été suivie depuis l’aéroport Osvaldo Vieira jusqu’à la boîte de nuit. M. Sana Canté a été violemment battu et emmené en voiture. Son portefeuille et ses documents, dont son passeport, sa carte d’identité, son permis de conduire et sa carte bancaire, ont également été
emportés.
Quatre heures plus tard, vers 19 heures le même jour, il a été déposé dans le quartier de Pefine à Bissau et laissé incoscient. Après avoir repris connaissance, il a demandé de l’aide aux habitants du quartier. Il a été gravement blessé et laissé dans un état critique.
Le 8 avril 2022, M. Canté était rentré au Portugal où il reçoit actuellement un traitement médical.
Une semaine après son enlèvement présumé, une demande a été soumise à la police judiciaire pour ouvrir une enquête sur les circonstances de l’affaire.
Sans vouloir à ce stade préjuger des faits qui nous ont été soumis, nous souhaitons exprimer nos préoccupations quant à l’enlèvement et au passage à tabac présumés de M. Sana Canté, qui semblent être liés à ses activités de défenseur des droits de l’homme, notamment à ses critiques à l’encontre du gouvernement et du président. Nous exprimons en outre de sérieuses inquiétudes quant à la violence physique utilisée contre l’activiste. Nous sommes également préoccupés par le fait que l’enlèvement et le passage à tabac de M. Sana Canté semblent avoir eu lieu dans un contexte de persécution politique, de détention, d’enlèvement et de passage à tabac d’opposants, ainsi que d’attaques contre les médias et les membres de la société civile. »