Algérie : la Rapporteuse spéciale consternée par la poursuite de la criminalisation des défenseurs des droits humains après sa visite
GENEVE (30 Janvier 2025) – L’Algérie continue à restreindre et harceler les défenseurs des droits humains pour leurs activités pacifiques, une experte indépendante* de l’ONU a déclaré aujourd’hui.
« Plus d’un an après ma visite en Algérie à la fin de 2023, je suis profondément déçue de constater que des défenseurs des droits humains qui travaillent dans des domaines d’activité différents, y compris certains que j’ai rencontrés, continuent d’être arrêtés arbitrairement, harcelés par la justice, intimidés et criminalisés en raison de leurs activités pacifiques en vertu de dispositions pénales formulées en termes vagues, telles que « porter atteinte à la sécurité nationale » », a déclaré Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
« Le cas de M. Merzoug Touati, journaliste indépendant et défenseur des droits humains, qui a fait l’objet de procès sur la base d’accusations fallacieuses pendant plusieurs années, est l’un des cas les plus alarmants que j’ai récemment examinés », a souligné Lawlor.
« Depuis 2024, il a été détenu à trois reprises. Il a été rapporté que, lors de sa dernière arrestation en août 2024, sa famille aurait été victime de mauvais traitement. Il aurait ensuite subi des tortures physiques et psychologiques durant sa garde à vue pendant cinq jours. Il continue d’être harcelé par la justice, même après sa libération », a déclaré l’experte.
« L’arrestation de trois avocats de défense des droits humains et d’un jeune lanceur d’alerte entre février et juillet 2024 est tout autant préoccupante », a déclaré Lawlor, en soulignant les cas de M. Toufik Belala, M. Soufiane Ouali et M. Omar Boussag.
M. Belala a été convoqué pour un interrogatoire à trois reprises depuis avril 2024. Il a finalement été accusé d’avoir publié de fausses informations susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale, avant d’être libéré sous contrôle judiciaire.
L’avocat défenseur des droits humains M. Soufiane Ouali a été enlevé de son domicile lors d’une violente descente de police au lever du soleil en juillet 2024, et placé en détention avec 14 autres personnes, y compris le jeune lanceur d’alerte M. Yuba Manguellet. Ils ont été accusés en vertu de l’article 87 bis du Code pénal, une disposition visant à lutter contre le terrorisme, qui est rédigée en terme vagues et est souvent employée avec mauvais escient pour réprimer la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
D’autres articles restrictifs du Code pénal ont été utilisés pour accuser l’avocat des droits humains M. Omar Boussag d’ « incitation à un attroupement non armé » et d’ « outrage à corps constitué » à la suite d’une publication d’un message sur Facebook.
« Ces cas ne sont pas les seuls », a déclaré Lawlor. « Le défenseur de l’environnement M. Karim Khima est poursuivi en justice depuis plusieurs années pour avoir organisé des manifestations contre un projet de construction de logements sur un site comportant des vestiges historiques, et pour exiger la protection de l’écosystème autour du lac Mezaia, menacé par un projet de construction de parc d’attractions. Heureusement, il a finalement été acquitté. »
Lawlor a également attiré l’attention sur le cas du Collectif des Familles de Disparu(e)s, une organisation créée pendant la guerre civile algérienne des années 1990 pour faire la lumière sur les disparitions forcées. Cette année, le Collectif a été empêché, à plusieurs reprises d’organiser des événements en raison d’énormes contingents de forces de police entourant le bureau de l’association à Alger. Il a été rapporté que les membres de l’association, dont beaucoup sont des mères de personnes disparues, ainsi que leur avocate, auraient été malmenés et sommés de quitter les lieux à ces occasions.
« Je tiens à répéter que j’ai rencontré presque tous ces défenseurs des droits de l’homme », a déclaré la Rapporteuse spéciale. « Aucun d’entre eux ne s’engageait de quelque manière que ce soit des actes de violence. Ils doivent tous être traités conformément au droit international des droits de l’homme, que l’Algérie est tenue de respecter. »
Elle a indiqué qu’au cours de sa visite en Algérie, elle a également rencontré beaucoup de fonctionnaires publics dans une atmosphère d’échanges constructifs. « Je suis donc doublement déçue de constater que les restrictions à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme se poursuivent », a déclaré Lawlor.
La Rapporteuse Spéciale est en contact avec le Gouvernement de l’Algérie sur ce cas.
FIN
*L’experte : Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Adhèrent à ce communiqué de presse: Gina Romero, Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, et Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats.
Algeria: Special Rapporteur dismayed by continued criminalisation of human rights defenders after her visit
GENEVA (30 January 2025) – Algeria continues to restrict and harass human rights defenders for their peaceful activities, an independent human rights expert said today.
“More than a year after I visited Algeria – at the end of 2023 – I am deeply disappointed to see that human rights defenders in different fields of work, some of whom I met, are still being arbitrarily arrested, judicially harassed, intimidated and criminalised for their peaceful activities under vaguely worded provisions, such as ‘harming the security of the State’,” said Mary Lawlor, UN Special Rapporteur on the situation of human rights defenders.
“The case of Mr. Merzoug Touati, an independent journalist and human rights defender who has been subjected for years to trials on spurious charges, is among the most alarming cases I have recently examined,” Lawlor said.
“Since 2024, he has been detained three times. During his latest arrest, in August 2024, his family was reportedly subjected to ill-treatment. He was then allegedly physically and psychologically tortured while in police custody for five days. He continues to be judicially harassed even after his release,” the expert said.
“No less concerning is the arrest of three human rights lawyers and a young whistleblower between February and July 2024,” Lawlor said, highlighting the cases of Toufik Belala, Soufiane Ouali and Omar Boussag.
Belala was summoned for interrogation three times since April 2024 and finally accused of publishing false information that may threaten the security of the State, before being freed under judicial control.
The human rights lawyer Soufiane Ouali was taken from his home during a violent dawn raid by police in July 2024, and placed in custody along with 14 others, including the young whistleblower Yuba Manguellet. They were charged under Article 87bis of the Penal Code, a vaguely worded counter-terrorism provision that is often misused to crackdown on freedom of expression, association and peaceful assembly.
Other restrictive articles of the Penal Code have been used to accuse human rights lawyer Omar Boussag of ‘incitement of an unarmed gathering’ and ‘contempt of an official body’ following the publication of his posts on Facebook.
“These are not the only cases,” Lawlor said. “The environmental rights defender Karim Khima has been pursued for years in court for organising protests against a housing development on land with historical remains and for the protection of the ecosystem around Lake Mezaia, which is threatened by the planned construction of an amusement park. Fortunately, he was finally acquitted.”
Lawlor also drew attention to the case of the ‘Collectif des Familles de Disparus,’ an organisation set up during the Algerian Civil War in the 1990s to seek answers to the forcible disappearance of persons. This year, the organisation has repeatedly been prevented from holding events by huge contingents of police forces surrounding its office in Algiers. Its female lawyer and members, many of whom are mothers of disappeared persons, have been manhandled and forced to leave the location on these occasions.
“I want to repeat that I met nearly all of these human rights defenders,” the Special Rapporteur said. “Not one of them was in any way pursuing violent acts. They all must be treated in accordance with international human rights law, which Algeria is bound to respect.”
She said that during her visit to Algeria, she also met with many public officials in an atmosphere of constructive exchange. “I am therefore doubly disappointed to see that restrictions against human rights defenders are continuing,” Lawlor said.
The Special Rapporteur is in contact with the Government of Algeria on the issue.
ENDS
*The expert: Mary Lawlor, Special Rapporteur on the situation of human rights defenders.
Endorsed by: Gina Romero, Special Rapporteur on the Rights to Freedom of Peaceful Assembly and of Association, and Margaret Satterthwaite, Special Rapporteur on the independence of judges and lawyers.