Guinée : allégations de détention arbitraire des défenseurs des droits humains Oumar Sylla et Ibrahima Diallo (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et transmise au gouvernement de la Guinée le 12 octobre 2022. La communication est récemment devenue publique, mais malheureusement, le gouvernement n’a pas répondu dans le délai initial de 60 jours. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies

Oumar Sylla et Ibrahima Diallo sont toujours détenus à l’heure actuelle.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète

CONTEXTE

Sujets : allégations de détention arbitraire des défenseurs des droits humains Oumar Sylla et Ibrahima Diallo ; dissolution sans fondement juridique du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).

M. Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, et M. Ibrahima Diallo sont défenseurs des droits humains, membres de l’organisation Tournons La Page en Guinée et coordonnateurs de la mobilisation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Tournons La Page est un mouvement qui promeut les processus démocratiques et la participation citoyenne. L’organisation est active dans 10 pays africains et défend la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Elle mène principalement ses activités de plaidoyer par le biais de manifestations, de campagnes et de débats publics. Le FNDC est un mouvement citoyen fondé en 2019 visant à protester contre l’amendement ou l’adoption d’une nouvelle constitution permettant à l’ex-président Alpha Condé de se présenter pour un troisième mandat présidentiel. Il rassemble des associations et organisations de la société civile, des partis politiques, et des syndicats.

ALLÉGATIONS

Le 30 juillet 2022, MM. Oumar Sylla et Ibrahima Diallo auraient été arrêtés à Conakry par des gendarmes et des militaires lourdement armés. M. Sylla, qui souffrirait de problèmes cardiaques, aurait été arrêté à son domicile vers 1h40. M. Diallo aurait été arrêté à son domicile vers 18h. Les deux arrestations auraient été effectuées de manière violente. Les défenseurs des droits humains auraient été emmenés au haut commandement de la gendarmerie, néanmoins, la famille de M. Sylla n’aurait pas été informée de sa localisation jusqu’à 15h. Les défenseurs des droits humains auraient été présentés devant le procureur de la Cour d’Appel de Conakry trois jours après leur arrestation mais n’auraient pas été présentés devant une autorité judiciaire à ce jour. Ils seraient actuellement détenus à la prison civile de Conakry, accusés de plusieurs infractions au code pénal, dont : participation délictueuse à un attroupement, coups et blessures volontaires, association de malfaiteurs, entrave à la liberté de circulation, complicité, incendie et pillage et destruction de biens privés. Ils auraient pu voir leurs représentants légaux depuis leur détention, mais aucune date n’aurait été fixée pour leur comparution devant un tribunal.

Les arrestations de MM. Sylla et Diallo auraient été effectuées dans un contexte de tensions croissantes en Guinée. Le 13 mai 2022, deux jours après la fixation d’une durée de 36 mois pour la transition démocratique dans le pays, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a interdit toute manifestation « de nature à compromettre la quiétude sociale » jusqu’aux périodes de campagnes électorales. Néanmoins, le FNDC a appelé à des rassemblements pacifiques à partir du 23 juin 2022 pour dénoncer la présumée gestion unilatérale de la transition par la junte militaire. Le 5 juillet 2022, M. Sylla aurait été interpellé par la Brigade de répression et du banditisme (BRB) et conduit à la direction centrale de la police judiciaire, avec deux autres activistes de la société civile, durant une conférence de presse. Ils auraient ensuite été relaxés le 8 juillet 2022, suite à une décision du Tribunal de première instance de Dixinn. Lors du rassemblement du 28 juillet 2022, plusieurs manifestants auraient été tués et blessés. Selon les forces de l’ordre, 12 de leurs membres auraient été blessés, et 85 personnes auraient été arrêtées. Ces événements auraient conduit à la suspension des rassemblements prévus par le FNDC pour permettre un dialogue entre les parties prenantes. Cependant, le 6 août 2022, un arrêté du ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a annoncé la dissolution du FNDC, le qualifiant « d’un groupement de fait ». Cependant, cette charge juridique ne serait pas un motif valable pour dissoudre le FNDC. A la suite de cet arrêté, le FNDC a publié une déclaration (N°221) le 10 août 2022, appelant à de nouvelles manifestations pacifiques le 14 août 2022 en Belgique et le 17 août 2022 sur l’ensemble du territoire national, pour exiger l’ouverture d’un dialogue crédible entre le CNRD et la société civile, le respect des droits humains, notamment le droit à la vie et à la manifestation pacifique, et la libération des militants pacifiques.

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons de graves préoccupations quant aux allégations d’arrestation et de détention arbitraire de MM. Sylla et Diallo, qui semblent directement liées à l’exercice de leur droit à la réunion pacifique. Nos préoccupations à cet égard sont exacerbées par les conditions présumées d’interpellation et de détention à la prison civile de Conakry, qui serait extrêmement surpeuplée, l’absence d’assistance juridique et les problèmes de santé dont souffre M. Sylla.

Nous sommes également préoccupés par le fait que les arrestations arbitraires et illégales de MM. Oumar Sylla et Ibrahima Diallo pourraient avoir un effet dissuasif sur les individus qui souhaiteraient s’exprimer, manifester pacifiquement, se réunir et participer à la vie publique et politique en Guinée.

Nous exprimons également des préoccupations quant à la dissolution du FNDC et les restrictions imposées sur le droit à la réunion pacifique dans le pays, affectant la capacité d’action et le niveau de vulnérabilité des défenseurs des droits humains en Guinée. Ces éléments semblent être incompatibles avec les obligations des autorités en vertu du droit international des droit humains.

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