Madagascar : intimidations et poursuites pénales contre trois défenseurs des droits humains, lanceurs d’alerte et observateurs électoraux (communication conjointe)

Ce qui suit est basé sur une communication écrite par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et d’autres experts des Nations Unies et transmise au gouvernement de Madagascar le 21 février 2024. La communication est récemment devenue publique, mais malheureusement, le gouvernement n’a pas répondu dans le délai initial de 60 jours. Si une réponse est reçue, elle sera publiée dans la base de données des procédures spéciales des Nations Unies

Depuis l’envoi de la communication, la Cour d’Antalaha a condamné le 29 avril 2024 Mme Marie Nathassa Razafiarisoa à un total de trois ans et deux mois d’emprisonnement, dont un an et huit mois en sursis, ainsi qu’à une amende de 200.000 ariary (environ 42 USD) pour « menace de mort verbale », « destruction de clôture et complicité de destruction de clôture » et « outrage à agent de l’État ». Mme Razafiarisoa, qui avait déjà passé quatre mois et demi en détention provisoire à la prison d’Antalaha, a commencé à servir sa peine immédiatement à l’issue de son procès.

Après sa condamnation le 21 novembre 2023, la détention de M. Thomas Razafindremaka n’a pas encore été ordonnée. Son avocat a fait appel de la condamnation, sans qu’aucune date ne soit fixée à ce jour.

M. Sorotombake Mbola, qui avait bénéficié d’une mise en liberté provisoire le 16 janvier 2024, n’a pas été soumis à d’autres restrictions depuis l’envoi de la communication.

Ce qui suit est une version écourtée de la communication originale.

Lire la communication complète

CONTEXTE

Sujets : la détention de la défenseuse des droits humains Marie Nathassa Razafiarisoa, la condamnation du défenseur des droits humains Thomas Razafindremaka à deux ans de prison, ainsi que les actes de harcèlement à l’encontre des membres de l’observatoire SAFIDY, y compris l’observateur électoral et défenseur des droits humains Sorotombake Mbola.

Mme. Marie Nathassa Razafiarisoa est une défenseuse des droits humains et lanceuse d’alerte, qui défend les droits humains des populations touchées par l’accaparement des terres. Elle est aussi présidente de l’association « Tanora Tia Fivoarana SAVA », qui œuvre pour l’autonomisation des jeunes et les droits humains à Sambava.

M. Thomas Razafindremaka est un défenseur des droits humains, lanceur d’alerte et président de l’association « Gny to Tsy mba Zaigny (GTZ) » qui lutte contre la corruption dans la région d’Ihorombe. Il a aussi œuvré contre l’accaparement des terres par les entreprises et les sociétés minières. Il est également chef de la commission des droits humains de Rohy Madagasikara.

L’observatoire SAFIDY est une structure indépendante qui a été officiellement agréée en décembre 2022 pour participer à l’observation des opérations électorales. L’observatoire a suivi l’ensemble du processus électoral des présidentielles de 2023 depuis la refonte totale de la liste électorale jusqu’à la proclamation officielle des résultats.

ALLÉGATIONS

Les élections présidentielles de novembre 2023

Le 16 novembre 2023, le président sortant de Madagascar a été réélu pour un troisième mandat. Les résultats de cette élection auraient été contestés par plusieurs candidats de l’opposition, dont certains ne reconnaîtraient pas les résultats. Plusieurs plaintes auraient été déposées devant la Haute cour constitutionnelle concernant ces résultats.

Détention de Mme Marie Nathassa Razafiarisoa

Le 7 novembre 2023, Mme Razafiarisoa, en tant que présidente de l’association « Tanora Tia Fivoarana SAVA », aurait rendu visite à huit jeunes qui ont été mis en détention préventive dans la prison d’Antalaha à la fin du mois d’octobre, pour destruction de clôture en relation avec la destruction partielle d’un mur érigé dans un terrain dans la localité de Moratsiazo, Sambava, qui faisait l’objet d’un litige foncier et qui barrait l’accès à certains habitants du terrain. Mme Razafiarisoa aurait rendu visite à ces jeunes pour leur proposer de trouver un avocat pour leur défense.

Deux semaines plus tard, le 22 novembre 2023, Mme Razafiarisoa aurait été auditionnée et mise en garde à vue à la Brigade de la Gendarmerie de Sambava, à la suite d’une plainte déposée à son encontre par le propriétaire du terrain faisant l’objet du litige foncier en relation avec lequel les huit jeunes étaient détenus.

Le jour suivant, le 23 novembre 2023, Mme Razafiarisoa aurait été traduite devant le tribunal d’Antalaha pour complicité de destruction de clôture. Elle aurait été libérée provisoirement, mais placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la région de la Sava.

Le 13 décembre 2023, Mme Razafiarisoa aurait été mise en garde à vue et nouvellement auditionnée à la Brigade de la Gendarmerie de Sambava à la suite de ses publications sur Facebook portant sur ce qu’elle considère être des injustices perpétrées à l’encontre des habitants du terrain dans la localité de Moratsiazo et sur l’inaction de la police locale face à ces injustices. Le 15 décembre, Mme Razafiarisoa aurait été traduite devant le tribunal d’Antalaha et serait depuis détenue à la prison d’Antalaha pour avoir « proféré des menaces de mort et insulté un agent des forces de l’ordre ».

Condamnation de M. Thomas Razafindremaka

En mars 2023, l’association fondée par M. Razafindremaka « Gny to Tsy mba Zaigny (GTZ) » aurait annoncé sa volonté de renforcer la lutte contre toutes les formes de corruption et d’accaparement des terres dans la région d’Ihorombe. Cette annonce serait intervenue alors que certaines entreprises auraient repris des activités controversées dans la région.

À la suite de cette annonce, en avril 2023, l’avocat de M. Razafindremaka aurait reçu un avis pour l’informer de la future comparution de son client devant le Pôle Anti-Corruption (PAC). Le 1er juin 2023, M. Razafindremaka aurait lui-même reçu une notification de comparution devant le PAC à Antananarivo.

Le 5 septembre 2023, M. Razafindremaka aurait comparu devant le PAC dans la capitale, et le 21 novembre 2023, il aurait été condamné à deux ans de prison et à une amende à hauteur de 100.000 ariarys (environ 21 USD) par le PAC pour fraude et usurpation de titre, des accusations que son organisation estime liées à son travail de défenseur des droits de l’homme dans la lutte contre la corruption. Son avocat a fait appel à la décision du PAC, mais aucune date n’aurait encore été fixée.

Harcèlement et intimidation de M. Sorotombake Mbola et des membres de l’Observatoire SAFIDY

Depuis le début de la campagne électorale, l’Observatoire aurait fait l’objet de vives critiques. Des membres de l’Observatoire, surtout au niveau régional, auraient fait l’objet d’intimidation, de menaces et de représailles en rapport avec leur travail de surveillance et d’observation du processus électoral.

M. Sorotombake Mbola est un observateur de SAFIDY qui aurait suivi le déroulement des élections dans la commune d’Ambovombe, région Androy. Il aurait été averti par certains membres des autorités locales de plusieurs niveaux, de ne divulguer aucune information relative à d’éventuelles irrégularités liées aux élections.

Malgré cette intimidation présumée, le 16 novembre 2023, M. Mbola a néanmoins attiré l’attention de l’Observatoire sur les irrégularités dont il aurait été témoin dans la commune. Deux jours plus tard, le 18 novembre 2023, il aurait reçu une convocation à comparaître devant le Bureau Anticorruption à Antananarivo.

Le 24 novembre 2023, il aurait été auditionné auprès du Bureau Anticorruption puis mis en détention préventive dans la prison d’Antanimora à Antananarivo pour fabrication et usage de faux en écriture publique et pour réception de pots-de-vin. Le 16 janvier 2024, il aurait été libéré provisoirement en attendant son procès, qui est prévu pour fin novembre 2024.

PRÉOCCUPATIONS

Dans cette communication, nous exprimons notre forte préoccupation quant aux allégations de menaces, intimidations et poursuites pénales à l’encontre de défenseurs des droits humains, qui semblent être en lien avec leur travail de défenseurs des droits humains, lanceurs d’alerte et observateurs électoraux. Ces allégations s’inscrivent dans un contexte de tension politique dans lequel les résultats des élections sont contestés. Nous exprimons ainsi notre préoccupation quant à l’effet paralysant que ces actes pourraient avoir sur le travail des défenseurs et défenseuses des droits humains et de la société civile en Madagascar. Comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains dans son rapport présenté au Conseil des droits de l’homme, les défenseurs et défenseuses des droits humains engagés dans la lutte contre la corruption et les lanceurs d’alerte courent des risques de représailles ayant sur eux un effet dissuasif et les garanties prévues pour assurer leur protection sont souvent faibles (A/HRC/49/49, paragraphe 77).

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